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SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

même pour ceux qui, chefs actuels de son école, auront les muscles assez forts et le souffle assez puissant pour gravir au sommet de quelque chef-d’œuvre.

» Donc un autre numéro au programme. Toutes les rumeurs, toutes les tentatives, les bousculades, les altercations présentes ne sont que l’expression de ce besoin. L’évolution littéraire, après avoir tourné sur place (avec quelle magistrale puissance !) depuis quarante ans, avance de nouveau.

» Où va-t-elle ? Devant, pareils aux curieux enveloppant de leur nuée la musique d’un régiment en route pour une destination inconnue, courant et gambadant, en une variété infinie, les novateurs, les essayeurs décadents, déliquescents, symbolistes, ésotériques verbolàtres, magistes, instrumentistes, impression nistes, néo-réalistes… Oh ! quelle armée de Xercès Et chacun brandit son fanion, criant : À moi ! par ici Voici l’art neuf ! Au gui l’art neuf !

» Ce qui est singulier, c’est cette colère concentrée, cette sourde fureur avec lesquelles les adeptes d’une école parlent de l’école voisine. Quoi ! vous avez cette chance, grâce à l’extraordinaire fécondité de votre âme française, d’avoir le clavier complet, d’une admirable variété. Et voici que chaque secte jalouse ses voisines et les vilipende. Et quand le morceau littéraire que joue le destin emploie les basses notes plutôt que les hautes, les hautes s’irritent et réciproquement. Réjouissez-vous plutôt de compagnie d’avoir