Page:Huret - Enquête sur l’évolution littéraire, 1891.djvu/411

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
385
SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

requins qui, ne pouvant pas nous manger, se mangent entre eux. » Ce que quelques-uns vous ont dit de nous, est modéré en comparaison des aménités dont ils se gratifient, et fait pour nous calmer : « Ils ont inventé le roman slave et le drame norvégien, sans compter le parler belge, qui est le fond même de leur âme littéraire. »

» Certes vous nous aimez moins que nous ne vous aimons. On écoute ici beaucoup la France littéraire. Jadis c’était avec la préoccupation de l’imiter. Nous étions si peu, elle nous semblait si belle ! Désormais cette attention se contente d’admirer, car de plus en plus nous nous efforçons à faire sortir et à maintenir notre originalité. Dans la question du Naturalisme et du Symbolisme cette tendance se marque comme ailleurs. Vous l’allez voir, si mon parler belge ne trahit pas ma bonne intention.

» Je parlerai d’après la généralité de ce que j’entends dire autour de moi. L’évolution littéraire ne nous apparaît point comme la destitution radicale d’une forme ancienne par une forme nouvelle, mais comme la substitution, dans le goût du public, des artistes ou des esthètes, d’une préférence à une autre. C’est un peu la modification des majorités dans les milieux parlementaires. Pas de suppression des partis, mais un changement dans leurs proportions et leur équilibre.

» Pour ne considérer que ce siècle, le Romantisme