Page:Huret - Enquête sur l’évolution littéraire, 1891.djvu/404

Cette page a été validée par deux contributeurs.
378
ENQUÊTE

tiens à bien affirmer que, si comme artiste j’ai mes idées à moi très arrêtées, je me sens capable d’admirer même les œuvres qui s’écartent le plus de ma conception de l’art, pourvu (toujours !) qu’elles révèlent l’originalité et la bonne foi !

— Quels sont ceux de vos confrères qui marchent dans cette voie ?

— Mais il n’en manque pas, Dieu merci ! Notez : Charles Le Goffic, Jacques Madeleine, Maurice Bouchor, Raoul Gineste, Émile Blémont et l’excellent poète breton Quellien.

Nous causâmes un peu du roman :

— Moi, me dit-il, je n’ai jamais fait de romans ; mais j’ai presque lu tous les principaux romanciers. J’aime beaucoup Zola, j’aime quelquefois Bourget, j’ai lu avec beaucoup de plaisir Huysmans, voire même Péladan ! C’est amusant, c’est curieux, que voulez-vous de plus ? Voilà des tempéraments différents ; chacun suit sa voie, c’est pour le mieux. Mais avant tout, encore une fois, je ne veux pas d’ostracisme, ni d’embrigadement. Les jeunes aiment assez démolir les anciens ; mais qu’est-ce que ça fait ? Croyez-vous, par exemple, que le père Hugo soit rapetissé par les allures victorieuses de mon ami Moréas ?

Et, en me reconduisant, il conclut en souriant :

— Bah ! travaillons toujours, tâchons d’avoir du talent, soyons sincères et laissons les enfants s’amuser.