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ENQUÊTE

l’évolution de notre littérature vers plus d’idéal ou vers plus de vérité. Ces termes, pour moi, ne sont nullement antithétiques. Il n’est pas un écrivain dont l’œuvre me donne une plus profonde impression de vérité que Dante ; ce fut, je pense, un idéaliste.

» Il y a peut-être, dans la poésie actuelle, une tendance à abuser du rêve. « Dans la veille, dit Aristote, nous avons un monde en commun ; dans le rêve. il chacun a le sien. » Cela est fort intéressant ; mais un art qui, très personnel, reste compréhensible à quelques gens, et, par certains côtés, à toute une foule, me semble supérieur à une rêverie solitaire.

» En restant dans une vague généralité, l’idéalisme et le naturalisme sont deux éléments contradictoires et nécessaires de toute œuvre d’art. Tantôt l’un domine, tantôt c’est l’autre ; les réactions sont inévitables. Je n’aime guère les romans, et j’en lis le moins possible ; toutefois je pense que Zola a du génie ; et ce génie n’est nullement infirmé par les ineptes théories (pseudo-scientifiques) que le puissant écrivain a essayé de propager.

» Il est souvent question de Verlaine dans les consultations que vous avez publiées. J’aime beaucoup son œuvre, qui ne vient à l’appui d’aucune théorie, et que nul groupe de gens n’a le droit d’accaparer. Mes préférences vont aux pages les plus classiques des œuvres de sa maturité ; il me semble que dans Sagesse, Amour, Bonheur, là où le sentiment est le plus pro-