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ENQUÊTE

thropologie, mais indigne du livre ou de la scène.

Au total, ce qui est extrêmement intéressant dans votre enquête, c’est la constatation du mépris, je dirai de l’ingratitude, que montrent les nouveaux envers le naturalisme, c’est ce mouvement ascensionnel vers l’idéal que vous avez constaté, çà et là. Idéal social, idéal mystique, peu importe. Trop mystique, à mon gré. On se perd dans le nébuleux, l’intangible. Mais à qui la faute ? Le romantisme, avec ses grandes fièvres et ses belles folies, nous avait amené le naturalisme avec ses crudités. Le naturalisme devait fatalement nous amener le mysticisme, le symbolisme tout ce que nous voyons se produire aujourd’hui. Après le vin de Chypre, le petit bleu ; après le petit bleu, le haschich. C’était mathématique. Je ne l’avais pas seulement prévu, je l’avais prédit dans la préface d’un de mes romans dont je ne vous donnerai pas le titre pour n’avoir pas l’air de me faire une réclame.

Ce que j’aime le plus au monde, c’est l’oubli de soi-même. On jette une idée dans la circulation comme on jetterait une graine au vent et elle pousse où elle veut. Ce qui est certain, c’est que vous avez eu une idée excellente en recueillant tant d’avis divers, d’opinions, d’idées justes ou paradoxales, en groupant les aspirations, les rêves d’art, les désirs de lutte de toute une génération qui, entre autres mérites, a celui d’avoir vingt ans, comme Célimène, c’est-à-dire d’avoir le droit d’être sévère, coquette et dédai-