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ENQUÊTE

Voyez, les nouveaux sont plus préoccupés des mots, de leur tonalité, du charme musical qu’ils dégagent, que de leur précision même. Une maxime de La Rochefoucauld, un mot de Chamfort, une page même de ce merveilleux La Bruyère, évoquent-ils une idée musicale ? Oui, si l’on veut. Non, en réalité. L’idée apparaît d’abord, claire, nette, triomphante. C’est un peu le contraire dans les écrits du jour.

Encore une fois, je ne suis pas du tout réfractaire à ce qui est nouveau, jeune, ardent, vivant. Les romans de MM. Rosny, Paul Margueritte, tant d’autres que je pourrais citer, me captivent et je lis avec grand plaisir les critiques récents, même — et surtout, — quand ils sont injustes. Je les attends à plus tard. Je ne verrai pas leur évolution nouvelle, mais nos entretiens, à nous, puisque vous allez les réunir en un volume, seront bien curieux à relire, dans une vingtaine d’années. Avant cela, dans dix ans. Autant de petits miroirs où les implacables d’aujourd’hui seront peut-être fort étonnés de se regarder.

Nous approchions du Théâtre-Français. Je dis à M. Claretie :

— Quant au théâtre ?…

Il répondit :

— Là encore, je vois un mouvement des plus intéressants qui n’a pas encore abouti au couronnement de la révolution. Le théâtre est plus malaisé à conquérir que le livre ou le journal. Il y a là un élément