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ENQUÊTE

la comédie d’Octave Feuillet : Montjoie, et sur son roman de Monsieur de Camors. La théorie du bleu, émise par l’auteur de Montjoie, me semblait ce qu’il y avait de plus faux au monde. Or, je me suis aperçu que les drames tels que Montjoie ne sont pas fréquents et que les romans pareils à Julia de Trécœur ne sont pas nombreux.

L’idéal de la jeunesse — et je l’envie — c’est la recherche de l’absolu. L’absolu en art, en politique, en amour ! L’âge apporte nécessairement une philosophie qui ressemble, si l’on veut, à une abdication mais qui est plus rapprochée de la justice.

Du reste, je n’ai rien abdiqué de ce passé. Je suis seulement très attentif aux efforts de ceux qui arrivent. Ils ont un tort : ils me semblent bien sévères les uns pour les autres. Ce qui m’a frappé dans les intéressantes consultations que vous nous donnez, c’est l’âpreté des jugements que portent les nouveaux sur leurs voisins, leurs rivaux. C’est aussi leur parfait mépris pour tout ce qui les a précédés. Il semblerait que la littérature est une imprimerie où seuls compteraient les feuillets fraîchement tirés, quand au contraire elle doit être une bibliothèque où les œuvres passées sont aussi consultées que les œuvres du jour…

Nous étions devant la Bibliothèque nationale, et, en contemplant cette longue et massive façade grise percée de rares fenêtres, je demandai :

— Vous croyez à l’évolution ?