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ENQUÊTE

mode, à cette époque. Bref, mon père, au moment de la présentation, dit au directeur :

— Oui ! mon fils désirait beaucoup venir à Paris, et il rêve ardemment de faire la connaissance de Monsieur Victor Hugo, dont il est l’admirateur enthousiaste ! (Remarquez que nous sommes en 1835 !)

Le monsieur eut un sourire condescendant pour le pauvre petit provincial que j’étais, et répondit :

— Mon Dieu ! cela ne m’étonne pas ! Il y a deux ans, nous étions tous dans son cas ! Tout le monde ici était très emballé. C’était une mode. Mais maintenant il n’en est plus question. Et s’adressant à moi : Dans quinze jours, allez ! vous penserez comme nous !

Ainsi, vous voyez, il faut laisser dire.


Je demandai :

— Connaissez-vous les « Jeunes ? »

— Non. Je n’ai presque rien lu d’eux, des bribes de ci, de là… Dernièrement, quelques vers sur les cristaux, les lustres, comment donc ?…

Du Silence, peut-être ? de M. Rodenbach.

— C’est cela, c’est cela. Est-ce un symboliste ? Oui, bien sûr, il y a du talent là-dedans, mais c’est difficile à lire. Ça ne se comprend qu’après réflexion et avec beaucoup d’attention ; il faut lire et relire et chercher… Au milieu de tant de productions, car c’est effrayant tout ce qui paraît, maintenant (on ne sait plus où mettre les livres, tant les bibliothèques sont