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SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

— Hugo c’est la mer ! ses images ont la puissance, la grandeur, l’abondance des flots. Parbleu ! on a le droit d’aimer ou de ne pas aimer la mer et de la trouver toujours trop pareille à elle-même ; je connais pas mal de Parisiens qui sont dans ce dernier cas. Mais de là à la puérile insolence qu’on prête à quelques-uns des jeunes poètes d’à présent, il y a loin !


La figure de M. Vacquerie, — cette figure calme et sereine de vieil évêque de pierre, s’éclaira d’un sourire malicieux.

— Ah ! ah ! dit-il, on ne lit plus Victor Hugo ! Eh bien ! je me suis amusé à calculer, avec l’aide des éditeurs, ce qui sortait de chez eux par an, d’ouvrages de Hugo. Depuis sa mort, c’est-à-dire depuis six ans, il en a été vendu pour près de huit millions ! Plus d’un million par an ! Et nous n’avons compté avec les éditeurs que le prix brut payé par le public ; — non le prix marqué sur les couvertures : ainsi les livres à 7 fr. 50 sont vendus 5 francs ! Non, voyez-vous ! il faut laisser dire !

Ainsi, quand je suis arrivé à Paris — c’est déjà loin, ajouta le poète en souriant, je vous parle de 1835 — c’était déjà la même chose ! Hugo était passé de mode ! Je venais de Rouen, j’avais le vif désir de finir mes études dans la capitale ; mon père avait bien voulu, et m’avait accompagné pour me faire entrer à l’Institution Favart près Charlemagne, la pension à la