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ENQUÊTE

trop tôt, hélas ! mais en laissant une œuvre d’absolue perfection, Ephraïm Mikhaël, souriait doucement quand il entendait prononcer les paroles soi-disant magiques de « symbolisme » ou de « décadence ». Cependant nul n’a créé, pour dire son rêve, de plus beaux symboles et qui expriment mieux l’incurable tristesse de vivre : la Dame en Deuil, le Mage, Florimond, l’Hiérodoule, et cet aveu mélancolique : À celle qui aima le cloître :

Peut-être expions-nous l’ivresse merveilleuse

D’avoir rêvé jadis à des pays meilleurs ;
Nous sommes les amants tristes parmi les fleurs

Et même le bonheur ne te fait pas joyeuse.

Il n’était d’aucune école, mais il proclamait — et c’est là ce qui distingue de ceux qui les précédèrent les écrivains symbolistes et le très humble poète qui vous parle — la nécessité du mystère, et voulait par la richesse et la nouveauté des images et des analogies lointaines suggérer aux âmes de bonne volonté tous les rêves et toute la compréhension de l’invisible dont elles sont capables…

J’objectai :

— Tout le monde n’est pas d’accord là-dessus…

— Certes, dit-il, les naturalistes à ce mot de mystère haussent les épaules et déclarent avec mépris : « Tout ça, c’est des poètes ! » Soit, nous sommes des poètes ; in-cu-ra-ble-ment. Cela ne nous met point