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SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

Venancourt, la jeunesse pâle ; Darzens qui mit dans un vers toute notre âme

Qui se meurt d’un amour qu’elle ne comprend pas.

Et aux choses bâtardes qui ne sont ni vers ni prose, je préfère sans hésiter ces savantes eaux-fortes que signe Jules Renard.

— Du vers libre, que dites-vous ?

— Je dis qu’il est commode.

— C’est-à-dire ?

— Qu’il n’en faut pas. Il supprime des difficultés pour les faibles, et des ressources pour les forts : c’est sa condamnation. Il enlève toute cadence et n’offre rien en place. Il n’est point de vers libre qu’on ne puisse tailler dans l’alexandrin : l’alexandrin a ceci de merveilleux, que je défie de trouver une combinaison mathématique de nombre ou de rythme, qu’on ne puisse faire entrer dans son moule. En lui, tout se trouve en puissance, le vers de un pied, ou le vers de trente-six, si goûté dans les derniers accidents. Le vers libre et le vers décadent auront leur prix, comme jeux de société, dans cette époque où les jeunes filles passent leur baccalauréat : je ne leur vois pas d’autre avenir.

Au surplus, que chacun fasse ce qu’il veut, c’est-à-dire ce qu’il peut : l’important est de faire quelque chose ; et je crois qu’on gagnerait davantage à don-