Page:Huret - Enquête sur l’évolution littéraire, 1891.djvu/364

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
338
ENQUÊTE

— Une mode, éphémère comme les modes ! On l’a déjà vue. Rabelais s’en est gaussé, l’hôtel de Rambouillet en vécut, puis en mourut, comme il sied. On pensa, alors aussi bien qu’aujourd’hui, que c’était l’art suprême, et les plus beaux esprits l’affirmaient à plaisir. Il devait pourtant suffire de Corneille pour qu’il ne restât plus de tout cela que quelques académiciens, des mortels. Sans souci d’eux, le grand siècle commença. Peut-être lui servirent-ils. Tout sert à quelque chose, et nulle force ne se perd, ni dans la nature, ni dans l’art. Mais les mortels sont devenus des morts, et l’ont voulu : Amen. On recommence derrière eux pour le même résultat : Amen.

— Les symbolistes représentent-ils pour vous les tendances de la jeunesse littéraire ?

— Assurément, ils représentent une partie de notre génération, puisqu’ils en sont : mais une partie seulement. À côté d’eux, il y a des hommes que l’on comprend, qui vivent et disent leur vie, d’intelligible manière ; il y en pour qui la suppression de toute forme ne constitue pas la forme suprême, et pour qui l’idéal de l’idée n’est point l’absence d’idée. Et ils sont nombreux : Vicaire, avec sa bonne odeur d’herbe écrasée entre les doigts. Michelet, subtil et nerveux, le savant de Guerne et le voyant Quillard, Donnay qui dira notre gaieté triste et Bouchor notre mysticisme, Georges Clerc, la jeunesse rouge, et Daniel de