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SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

mystifications échevelées dont il sort toujours avec des mots à l’emporte-pièce. Son esprit, à la fois précieux et mordant, s’est éparpillé en mille revues ; il vient de réunir en une plaquette, précédée d’une préface d’Armand Silvestre, une série de ballades et de quatorzains qui va paraître sous le titre : Au Pays du Mufle. Ses mots ont fait le tour du quartier Latin, l’album de la comtesse Diane en ruisselle, et combien de ceux qu’ils ont lardés en conservent les cuisantes brûlures ! Certains, les plus rares, sont seulement drôles ; c’est lui qui disait, et avec quelle délicatesse de ton, à une hétaïre qui voulait blaguer : « Est-il vrai, madame, que l’on soulage les poitrinaires avec l’huile de votre foie ? » Et puis : « Vous m’inspirez un sentiment bien pur : l’horreur du Péché ! »

J’ai rencontré hier, par hasard, Laurent Tailhade, et comme je lui soumettais mon projet d’interview, il acquiesça sous cette réserve que je placerais son opinion partout ailleurs que parmi celles des poètes : « Ces gens-là, dit Rivarol, comme le rossignol ont reçu leur cerveau en gosier ».

Voilà pourquoi je classe ici ma conversation avec l’auteur d’Au Pays du Mufle, conversation que je reproduis sténographiquement, sans commentaire.

— D’abord, dis-je, le naturalisme est-il fini ?

— C’est-à-dire que Zola ne fera plus que continuer dans sa formule. Quant à ses successeurs, ils se sont vu forcés de chercher d’autres éléments que l’obser-