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ENQUÊTE

Voyez ! Les Belges s’amusent aussi à faire des prosodies françaises.

Ce n’est pas Verlaine non plus dont le chef-d’œuvre pour moi est les Fêtes galantes qui sont d’un pur poète parnassien !

Tout ce que les symbolistes ont fait jusqu’ici n’est donc qu’un bégaiement… en attendant qu’un poète de génie en fasse une langue. L’ancienne n’était pas si pauvre qu’elle en avait l’air ! Un nombre déterminé de pieds et la rime, ça semble une prosodie barbare comme les premières hymnes liturgiques, le Dies iræ, le Stabat Mater qui sont admirablement rimées. Mais les vrais poètes y mettaient autre chose, une pondération de mots constituant vraiment à l’oreille une alternance de brèves et de longues. Pas de règle absolue à cet égard, comme dans l’hexamètre latin, et le poète restait livré à son caprice et à son goût instinctif d’harmonie. Mais l’instrument était d’autant plus riche et plus précieux qu’on n’en jouait pas comme du clavecin, où toutes les notes sont présentées aux doigts, mais plutôt comme du violon où il les faut chercher, avec sa propre inspiration, sur toute la longueur des cordes !

Et pourtant, — ajouta mon interlocuteur, — s’il n’y a pas, et s’il ne peut y avoir dans la poésie française de règle absolue de cadence, je suis bien sûr qu’en s’y attachant, on découvrirait, dans l’ensemble des chefs-d’œuvre poétiques de notre langue, des lois rythmi-