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SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

quettes, mais c’est tout. Ils m’apparaissent comme une bande d’esthètes qui ont des théories à revendre, mais les poètes, où sont-ils ? Et leurs œuvres ! Leurs œuvres ! Je n’en vois pas. Je ne vois rien ! Vraiment rien !

Gravement :

— Qu’est-ce qu’on demande à un poète ? Qu’il se montre lui, nous dévoile son âme, qu’il nous fasse participer à ses visions personnelles de la vie et de la beauté, qu’il nous fasse frémir de ses frissons. Où est-il celui d’entre eux qui nous procure cette impression neuve que nous avons un peu le droit d’exiger qu’il nous donne ?

Très carré :

— Car, — cela je tiens à ce que vous le disiez bien, — on n’écrit pas pour soi tout seul ! Ils prétendent qu’ils se fichent des bourgeois, qu’ils écrivent pour l’art… (me menaçant le cou de son doigt tendu) :

Ils mentent par la gorge !

On écrit pour être lu, d’abord, pour laisser quelque chose à la postérité, ensuite ! ou alors on conserve ses manuscrits dans son tiroir. N’est-ce pas vrai ? Mais du moment où l’on fait gémir les presses, c’est qu’on veut des lecteurs. J’admets qu’ils n’en espèrent pas beaucoup, eux, mais ils comptent bien sur vingt, sur dix, sur un, enfin ! Eh mais ! il faut au moins se faire entendre de celui-là ! Et moi qui ne suis pas tout à fait