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SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

— Mais oui ! Voyez, comme Wagner ils ressuscitent le décor moyen-âge, ils déterrent les vieilles légendes et les vieux fabliaux, ils y prennent des mots, des tours, des noms propres, des sujets même ! Wagner en musique, Puvis de Chavannes en peinture, sont pour quelque chose dans tout cela. — Leur voyez-vous aussi des ancêtres littéraires ? Ah ! voici, selon moi, l’une des filiations symbolistes. Avez-vous lu le Gaspard de la Nuit d’Aloysius Bertrand ? Ce sont d’exquis poèmes en prose rythmée, qui n’étaient guère connus que des poètes. Baudelaire, qui faisait très difficultueusement les vers, laissa en prose, peut-être un peu à l’imitation de Bertrand, des poèmes auxquels il n’était pas arrivé à donner la forme poétique. Mallarmé en fit aussi, puis Charles Cros, puis, plus près de nous, Jules Laforgue, leur ami qu’ils oublient y ajouta de vagues assonnances, des réminiscences de rimes, accentua le rythme de ces petits poèmes. De sorte que ce que nous voyons aujourd’hui, c’est de la prose rythmée, coupée avec des lambeaux de vers et présentée à l’aide d’artifices de typographie qui lui donnent l’apparence de vers de toutes les mesures arbitrairement accolés.

Ajoutez à cela l’influence des étrangers qui sont nombreux dans le groupe… car je remarque avec assez d’étonnement que ce sont des Belges, des Suisses, des Grecs, des Anglais et des Américains qui veulent rénover le vers français…