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SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

Mendès, quoique aussi peu métaphysique qu’eux, a l’esprit plus ingénieux, plus ouvert et moins sectaire. Mais ils me font l’effet de ces vieillards qui trouvent que les femmes ont cessé d’être jolies précisément depuis qu’eux-mêmes ont cessé d’être jeunes, et qui conservent tous leurs trésors d’adorations et d’hommages pour les jeunes filles de leur temps. C’est très humain, mais c’est peu raisonnable. Eh bien ! eux, c’est comme si on insultait la mémoire d’une vieille amie ! Ils disent qu’ils ont apporté aux jeunes un outil savant, parfait, avec des rimes sonores et une langue riche et pure, et ils trouvent outrageant que ces jeunes refusent de s’en servir, voulant en créer un nouveau et bien à eux. D’ailleurs, c’est une règle constante que les petits-enfants délaissent ce qui a fait la joie des grands-pères, et il est non moins prouvé que les grands-pères ne s’expliquent jamais ce phénomène.

C’est comme la jalousie qu’on prête à Verlaine. Mon Dieu ! pourquoi s’en étonnent-ils ? N’est-ce pas bien naturel, bien humain ? Ce pauvre Verlaine, plein de talent, mais inquiet, mais double, pour ainsi dire. Vous souvenez-vous qu’autrefois on voyait, dans tous les bals masqués, un diplomate Peau-Rouge ? un monsieur en habit noir, très correct, qui avait la figure tatouée, et, sur la tête, des plumes de perroquet. Eh bien ! Verlaine m’a toujours rappelé ce déguisé. Au temps où il était Parnassien, il s’ef-