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ENQUÊTE

— quoique ce très délicieux poète se trompe souvent, lui, par exemple.

— Croyez-vous que le symbolisme en tant qu’école, ait quelque avenir ?

— Je crois… je crois qu’à notre époque le nombre des jeunes gens de talent qui font de jolis vers et qui savent mettre un roman sur pied est considérable. Mais il faut attendre, on ne verra que plus tard. Nous étions quarante-deux au Parnasse, et à la lecture de certains vers, il était quasi-impossible de dire où était le talent véritable… Eh bien ! comptez-les à présent ! Plusieurs sont morts, il est vrai, mais aussi combien retirés en province, devenus médecins, notaires… et qui ont bien fait !

Pourtant, il y en a quelques-uns qui paraissent se manifester plus définitivement que les autres. Tout à fait au premier rang de ceux-là, et bien qu’étant parmi les moins excentriques, il y a Henri de Régnier. Ses Poèmes anciens et romanesques sont vraiment très beaux : c’est vaste, c’est clair et pur. Il y avait surtout ce pauvre et cher Mikhaël… qui a laissé une petite œuvre, petite par le nombre, haute par la beauté, et qui, croyez-le bien, ne sortira jamais de la bibliothèque des lettrés. Il y a encore Quillard, qui a un grand sentiment du lointain, du mystère. Sa Fille aux mains coupées est une très étrange et très suggestive œuvre. Mais il y a du talent aussi chez Moréas, qui s’ingénie aux petites trouvailles ;