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SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

— Oh ! voyez-vous, il ne faut jamais rire d’un jeune, la jeunesse c’est sacré. Qu’on examine, qu’on discute, mais qu’on tienne compte : dans dix ans, ce sera peut-être le Poète ! Moi, je mourrais inconsolable si je pouvais croire que j’aie jamais méconnu un véritable artiste ; et s’il est vrai qu’à un certain âge nous ne comprenons plus ceux qui nous suivent, nous portons là une des infirmités les plus lamentables, les plus désespérantes qui soient…

Puis il reprit :

— Mais si le Symbolisme veut être une école révolutionnaire, avec une philosophie, une esthétique, des règles qu’elle prétend inventer, un sens de la beauté qu’on n’a jamais eu et qu’on aura après un court noviciat… je me réserve. Symbolistes ! Tous les poèmes du monde, les beaux poèmes, sont des Apocalypses, et l’Apocalypse est-elle ou non symbolique ? Voyons, comment voulez-vous être poète sans espérer le prolongement de votre idée chez les êtres qui vous lisent, et comment se passer de symbole pour cela ? On est plus ou moins grand poète, justement en raison de la grandeur, de la noblesse et de la beauté des symboles qu’on crée ! Et, à part les chansonniers du Caveau et les poètes didactiques, tous les poètes sont symbolistes. De même que tous les romanciers sont naturalistes ! Un écrivain qui met un chapeau de soie sur la tête d’un bourgeois du Sentier, au lieu de lui mettre un fez, fait du naturalisme. De même que tous