Page:Huret - Enquête sur l’évolution littéraire, 1891.djvu/315

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
289
SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

de nos admirations. Quand quelque part un artiste se montrait, dans un besoin de solidarité bien naturel nous courions à lui ; c’est ainsi que j’ai rencontré Dierx un jour, chez Leconte de Lisle, où il lisait des vers qui me ravirent. En sortant, je lui pris le bras et je lui dis : « Oh ! Monsieur ! comme vous avez du talent ! » Nous devînmes amis ; il me lut de ses vers, je lui lus des miens, et jamais ni l’un ni l’autre n’essayâmes d’unifier nos façons de voir et de rendre la beauté. C’est comme cela, d’ailleurs, que nous nous sommes tous liés, par des haines communes et des amours pareilles. Le groupement Parnassien ne s’est fait sur aucune théorie, sur aucune esthétique particulière ; jamais l’un de nous n’a entendu imposer à un autre son optique d’art, c’est ce qui fait la belle variété des talents du groupe, et aussi, sans doute, que nous ne nous sommes jamais détestés.

Une autre preuve encore ? Le premier Parnasse était sous-intitulé : Recueil de vers nouveaux, ce qui témoigne de son cadre éclectique ; et l’éditeur, dans un avant-propos que j’avais rédigé, disait : Le « Parnasse » sera à la poésie ce que le Salon est à la peinture. Et, en effet, on y vit des vers de Lafenestre, de Theuriet, de Verlaine, de madame Blanchecotte, de Ratisbonne, de Charles Cros, de Lepelletier, d’Alexis Martin, de tout le monde ! Il n’y avait pas d’églises, et par conséquent pas de chapelles dissidentes, et pas de cultes rivaux !