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SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

Parnassiens, qui représentent, selon vous, à l’heure qu’il est, la tradition poétique ?

M. Leconte de Lisle réfléchit un instant, et dit :

— Eh ! Haraucourt ! Il fait de très jolis vers. Et M. le vicomte de Guerne, dont nous venons de couronner à l’Académie les Siècles morts, une très belle œuvre. M. de Guerne est un vrai grand poète, le plus remarquable sans contredit depuis la génération parnassienne. Et Quillard qui, pourtant, est sur la pente…

J’allais partir, mais je dis :

— Pardon, Maître, j’ai oublié de vous parler des psychologues.

M. Leconte de Lisle sourit, hausse légèrement les épaules, et répond ensuite, d’un ton grave :

— Il y a un homme dont je ne vous parlerai pas, à qui j’ai donné dans le temps, de toutes les façons, des preuves d’amitié, mais qui, depuis, m’a odieusement offensé. C’est M. Anatole France[1]. Je reconnais son talent qui est délicat et subtil, mais j’estime peu son caractère. Il a inventé le symbolisme, sans y croire, dans l’espoir de jouer un vilain tour à son ami de Hérédia et à moi, et vraiment il y a peu réussi… Il en sera pour sa courte honte.

Il y a encore Bourget, un esprit ingénieux, surchauffé, plus apte, je crois, à la critique qu’au roman. Il nous raconte, dans un autre genre, les mêmes ba-

  1. Voir Appendice.