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ENQUÊTE

— Je n’en sais rien. Le naturalisme était, en théorie, une ineptie ; en résultat, ç’a été un amas d’ordures. C’est fini. Le romantisme, qui était surtout égotiste, a épuisé toutes les conceptions, ne laissant d’indéfrichées que les vieilles théogonies en lesquelles j’ai tâché de m’incarner. À présent, je ne vois plus trop ce qui reste à faire… C’est peut-être ce qu’ils se disent, les jeunes ! Et alors ils se mettent à traduire en incompréhensible les vieux sujets.

Oui, où va-t-on ? Il n’y a plus d’esthétique commune comme aux belles époques de l’histoire littéraire, au dix-septième siècle ! Chacun rentre dans l’indépendance de sa propre nature, et il en résulte le chaos, une anarchie toute naturelle, d’où émergent des individualités de beaucoup de talent, c’est vrai, mais qui s’opposent à la production harmonieuse des esprits… Nous sommes donc en décadence… et les décadents nous le prouvent !… Jusqu’au jour où quelqu’un de très fort arrivera, balayera tous les demi-talents et les doubles prétentions, et ramènera tout le monde à l’esthétique générale qu’il aura créée.

Mais, voyez-vous, ajouta-t-il, tout pourra arriver, les pires révolutions et les cataclysmes, et les cerveaux de génie, nous aurons des pensées basses et des pensées magnifiques, jamais la littérature française ne se passera de ces trois qualités-là : la netteté, la précision, la clarté.

— Quels sont les poètes, en dehors des premiers