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ENQUÊTE

presse, à tous ! Naturellement, personne n’entendit… et le Carcan se rouilla. Il en fut de même au Symboliste, où je fus déshonoré dès l’apparition. Le canard s’imprimait à Montrouge, dans une petite rue… Nous arrivons… l’imprimeur et sa femme se désolaient… Ils n’avaient guère pu composer le numéro : ils ne comprenaient pas ! Pensez : Moréas en ce temps-là « instaurait » Rabelais… « Je n’ai compris que ça : un article de M. Ajalbert » murmurait la vieille femme !… Tous les regards de mes co-symbolistes me fusillèrent… Évidemment, je n’étais pas un pur… Je trahissais… Dès lors, je cessai d’être cité dans les écrits symbolistes. Et depuis la Fille Elisa je suis excommunié. Mon nom ne figure plus aux couvertures du bibliopole Vanier !

— Et, sans doute, vous êtes considéré comme un naturaliste ?

— Oh ! je ne suis guère plus naturaliste que symboliste. Tout cela, ce sont des mots pas souvent justes. En tout cas, c’est dans les revues décadentes, symbolistes et instrumentistes, dans le Décadent, dans le Symboliste, dans la Vogue, dans Lutèce, dans la Revue Indépendante, que j’ai publié la plupart de mes vers et mes premières nouvelles. C’est en compagnie des symbolistes que j’ai vécu mes premières années littéraires, et je ne le regrette pas, la bohème est douce, quand elle ne dure pas. Et quels beaux rêves ! Que de soirs nous avons conquis Paris…