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SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

dents, aux symbolistes ? D’abord, ces prétendus évolutionnistes sont des poètes. Or, le vers c’est, en littérature, aujourd’hui, ce qu’est la harpe ou letriang-le dans un orchestre. Comptez-les chez Lamoureux ! Et pourtant la presse s’occupe d’eux, les cite, les consulte ! Muette sur le livre d’un romancier, elle consacre trois colonnes au vaudeville d’un Déjazet, ses échos à un Péladan, son feuilleton de critique à un Moréas !… Enfin, ne se fait pas naturaliser qui veut !

Pour me résumer, vos enquêtes me produisent l’effet de ces femmes grosses, discutant du sexe du fœtus qu’elles ne sont pas sûres de mener à terme. Nous sommes dans un des âges ingrats que traverse la littérature tous les cinquante ans en moyenne. Une guerre européenne, une lutte sociale peuvent chavirer les prédilections les mieux raisonnées. La littérature de demain, après tout, serait purement socialiste que je n’en serais pas surpris. Pas fâché non plus. Après tant de pitié à la Slave, un peu de vraie et simple justice semble dû.

Qui vivra verra. Le véritable évolutionniste sera celui qui aura le plus de talent — et écrira le moins. Car ce qui nous a lassés du naturalisme, et de tout en littérature, c’est la production à outrance. Tout le monde écrit des romans, les grues en retraite, les Ligues des Patriotes, lesrastaquouères, les notaires et les cabots. Voilà le mal, mon cher Huret, et le seul.

Peut-être nos enfants, à la suite de quelques révolutions-