Page:Huret - Enquête sur l’évolution littéraire, 1891.djvu/272

Cette page a été validée par deux contributeurs.
246
ENQUÊTE

siècle aux Goncourt ? On ne reviendra pas plus à l’idéalisme et au romantisme d’antan qu’on ne reviendra aux diligences. On tentera peut-être un retour au mysticisme si les derniers croyants nous donnent un homme de génie sans tolstoïsme. Et puis, on recourra fatalement à la science pour lui prendre, les uns le merveilleux qui leur manque, les autres un approximatif absolu. (Jusqu’ici, nous ne lui avons emprunté que des mots et des miettes — mal digérées — de méthode.)

Ce que nous serons, nous autres, dans le mouvement ? Je ne sais. Geffroy est, à mon sens, le premier critique de ce temps. Margueritte, Mirbeau, Descaves, Guiches, Rosny, Ajalbert et d’autres que j’oublie, parce qu’ils sont moins près de mon amitié que de mon esprit, sont encore assez jeunes et d’assez souple talent, pour être les disciples heureux et admirés du messie que je ne pressens pas en eux. De nos aînés, Huysmans est le plus doué, le plus original, celui à qui le public doit le plus de sensations neuves. Mais de même que la plupart des métis, il restera sans lignée directe… Ah ! l’originalité, le mouton à cinq pattes ! Pourvu qu’on ne gâte pas, à l’écarteler de louanges, Jules Renard, l’auteur de ces exquis Sourires pincés. Original, celui-là, et qui ira loin s’il a du souffle et secoue les pucerons des jeunes revues…

Tenez, cher confrère, je vous parle franc. Pourquoi avez-vous donné la moindre importance aux déca-