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SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

C’est amusant, hein, la littérature ?… Il faut vivre, vous dis-je.

Ce qui fut dit, fut fait. Un troisième ami, Paul Margueritte, me donna pleins pouvoirs par lettre et nous mandâmes Guiches et Rosny. Ce dernier rédigea le « manifeste » (car nous l’appelions ainsi n’étant pas jeunes qu’à moitié), et n’accepta point d’amendements. De là, le côté scientifico-pompier de la tartine, ce bon Rosny aimant à gâter son énorme talent par un abus de néologismes pharmaceutiques. — J’aurais pu, et, promoteur de la campagne, l’écrire, cette protestation, mais, j’ai cette originalité — la seule — d’être timide étant batailleur, et, par-dessus tout, de n’être pas peu l’ami de mes amis. Ceux-ci voulurent bien mettre mon nom en tête, et, partant, plus échiné qu’eux tous, je broutai la chicorée amère d’une célébrité de quarante-huit heures. Voilà !… Zola ne s’en serait pas porté plus mal s’il ne fallait pas toujours, chez nous et en tout, quelqu’un pour accrocher le grelot. Un courant se forma qui devint à la longue l’unanime opposition, la lassitude intransigeante que vous constatez à présent.

Que vous dirai-je encore ? Ah ! une anecdote à côté, l’histoire comique du manuscrit de cette « protestation ».

Je l’avais envoyé au domicile particulier de M. Magnard, 27, boulevard X… à deux pas du Bois. Je sors l’après-midi, je vais dîner en ville avec ma femme et