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ENQUÊTE

littérature est une haute et violente distraction.

Et je ne suis pas un sectaire, dit-il encore. J’admets les individus différents, les inattendus, les personnels, et je prends du plaisir aux choses les plus contraires, qui m’émeuvent. J’aime dans le journalime la notation possible de sensations au jour le jour, comme j’aime le langage rare de Huysmans, la poésie de nature et la musique extraordinaire de Rollinat, le Prélude des poèmes anciens et romanesques de Henri de Régnier, comme je m’intéresse aux psychologies de M. Barrès, lorsque je peux me figurer qu’il ne s’amuse pas à se mystifier lui-même, de même que j’adore les foules de Germinal, et tant d’admirables mouvements de passion chez Balzac, Barbey d’Aurevilly, Goncourt, Flaubert, Zola…

Nous sortîmes. Et, pour jouir de cette superbe après-midi de printemps ensoleillée, nous descendîmes à pied des hauteurs de Belleville. Il était près de six heures, des ouvriers rentraient, des femmes se hâtaient à travers les voitures à bras, les mains comblées des provisions du dîner ; tant de têtes passaient, si différentes et, qui, pourtant, disaient tant de choses pareilles que M. Geffroy ralentit un instant le pas, me fit remarquer ce tableau, cette foule, les silhouettes qui passaient sur les ponts et au long du canal, dans la lumière du soir, et ajouta :

— Tenez, voilà la vie et l’ait. Cette poésie du fau-