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SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

le pessimisme qui résulte surtout de l’incompréhension des éléments constitutifs de son époque et de l’époque elle-même.

Un homme pénétré de la philosophie de son siècle en portera, dans ses moindres actes, un reflet ; un homme qui aura reçu l’éducation classique traditionnelle ne verra pas, ne sentira pas de la même façon qu’un autre dont l’éducation philosophique et scientifique sera complète : le baiser de l’amant procurera à l’un la sensation de l’espace dont il a la notion, chez l’autre il se résoudra peut-être en un simple afflux sanguin. Il est très évident que les Grecs de Périclès, par exemple, dans les moindres actes de leur existence, subissaient l’influence esthétique de leur siècle, et il est évident aussi que le sens du beau n’est pas la caractéristique de la moyenne de la bourgeoisie moderne. L’évolution sociale, le progrès matériel ont créé d’autres visions, ont suscité d’autres émotions chez les êtres ; les émotions des uns ne sont pas les émotions des autres, et, pour pouvoir les comprendre toutes et les traduire, l’écrivain d’à-présent doit avoir la compréhension (je ne le répète pas trop) historique, scientifique, industrielle, pérégrinatrice de l’époque à laquelle nous vivons.

L’autre chose, ce sera aussi une réaction contre la morale évangélique rapportée par les Slaves, c’est-à-dire contre le reniement de la civilisation et du progrès au bénéfice des idées de renoncement.