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ENQUÊTE

n’aurez pas perdu votre temps, regardez cela.

Du haut de la terrasse où nous nous trouvions et qui est le jardin, nos yeux plongeaient à présent dans un paysage splendide. À cent mètres à peine du garde-fou où nous étions appuyés, la Seine, sous le soleil, roulait de l’argent et du cuivre entre les îlots, sur l’autre rive venait mourir la colline crayeuse dont les éclats blancs se coupaient de rectangles de verdure et de lignes de hauts arbres ; l’horizon se perdait dans de l’ouate bleue.

Et, en même temps, je regardais mon interlocuteur, sa haute taille, ses solides épaules, sa courte moustache rousse relevée aux pointes, la richesse paysanne de son teint, tandis que lui, de son œil vert pailleté d’or, comme strié, continuait à fixer le paysage et disait :

— Hein ! est-ce beau ! Et l’été, là, dans l’île, si vous voyiez cette végétation ! Un énorme, un fabuleux paquet de verdure impénétrable, mystérieux… Ah ! comme c’est beau I

— Et comme on respire, ici ! fis-je en humant instinctivement de larges bouffées de cet air pur qu’agitait un petit vent du Nord.

. . . . . . . . . . . . . . . . . .

(Je me tiens à quatre pour ne pas raconter minute par minute cette journée exquise, ce que je vis, ce que j’entendis, et la qualité des sensations que j’en rapportai. Mais je connais des Esprits Pointus et des