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SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

logique des chinoiseries spiritualistes contre lesquelles il luttait. D’ailleurs ces libertés de langage sont classiques et essentiellement dansles traditions françaises des mystères et des vieux fabliaux ; c’est l’éternel style de la querelle entre la chair de l’esprit, entre le précis et l’imprécis. Le quinzième siècle suivait déjà le débat du corps et de l’âme, et la polémique s’établit aujourd’hui dans les livres comme jadis elle se faisait au long des porches de cathédrales. Le mysticisme a eu beau élever des monuments superbes et mettre des symboles sacrés sous la dévote architecture des nefs, au dehors, par tous les boucs en rut dans les sculptures, par toutes les femmes en obscènes altitudes, par tous les corps d’hommes accouplés entre eux et forniquant même avec les animaux, la vie elfrontément s’étale et prend sa revanche. Aux accents des psaumes liturgiques sacerdotalement chantés sous les sombres piliers, elle mêle au grand soleil le cri de protestation de ses besoins physiques et l’hymne des revendications de la chair. Rabelais, lui aussi, avait été saturé jusqu’au dégoût des subtilités enseignées dans les écoles, aussi c’est pour s’en venger et rendre à la nature ses droits méconnus qu’il a embrené de sa scatologie agressive toutes les pages de son œuvre.

Pourtant si la dispute continue, les adversaires commencent à se mieux connaître. La chair a démêlé les fonctions de l’esprit et l’esprit se montre