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SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

— Comment, jamais existé ?

— Non, il n’a jamais existé ainsi qu’on l’entend généralement, c’est-à-dire comme une littérature d’accident, comme un produit spontané de notre époque. Dans tous les siècles, il y a toujours eu à l’état latent, derrière la littérature officielle, parallèlement à la littérature d’imagination, une littérature d’observation.

Sous Louis XIV, c’est Furetière avec le Roman bourgeois c’est surtout l’admirable Saint-Simon. Plus tard, à côté de Voltaire, c’est Diderot et Rétif de la Bretonne. Plus tard encore, en même temps que Victor Hugo, c’est Balzac.

Lequel des deux matera l’autre, la fonction ou l’esprit, toute la question est là.

Ce qui existe réellement, c’est le fait de voir les choses telles qu’elles sont, dans l’atmosphère que leur donne la science du moment. La minorité matérialiste se désintéressera-t-elle jamais de l’observation ? l’humanité échappera-t-elle jamais à elle-même ? Il y aura toujours des individus qui préféreront rêver. D’autres, au contraire, aimeront mieux connaître, encore que leur savoir leur amène un accroissement de douleur. Mais qui est maître de la tournure des intelligences ?

Quant au naturalisme, sa vie ou sa mort apparentes n’ont pas d’importance. Admettez qu’il se soit trompé dans la formule de ses théories et qu’il leur ait donné une défectueuse application, son erreur ne signifierait rien. Il a servi, il a excité la littérature et donné le goût