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SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE


« Aix, 4 avril 1891.


« Mon cher confrère,


« Non, il n’est pas mort le naturalisme ! Il est si peu mort, que, entrevu peut-être par Bacon et, à coup sûr, par Diderot, pratiqué inconsciemment par l’auteur de Manon Lescaut, repris dans ce siècle par Balzac et Stendhal (que Flaubert, les Goncourt, Duranty, Zola et quelques autres continuèrent,) le naturalisme n’en est tout de même encore qu’aux premiers balbutiements. En cette fin de siècle, où tant de choses sont mûres, sur le point de crouler de vétusté, lui est encore jeune, tout jeune. Demain, plus encore qu’aujourd’hui, lui appartient. Le naturalisme sera la littérature du vingtième siècle.

» Seulement, mon cher confrère, avant d’en arriver au jugement « détaillé » sur l’évolution littéraire que vous me demandez, il faudrait bien s’entendre sur le mot, — principalement sur la chose. Il y a une équivoque courante et grossière que je voudrais une fois de plus m’efforcer de dissiper. Le naturalisme n’est pas une « rhétorique », comme on le croit généralement, mais quelque chose d’autrement sérieux, « une méthode ».

» Une méthode de penser, de voir, de réfléchir, d’étudier, d’expérimenter, un besoin d’analyser pour savoir, mais non une façon spéciale d’écrire. N’en déplaise à la jolie critique que l’Europe nous envie, le