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ENQUÊTE

M. Zola me dit qu’il a suivi attentivement mon enquête depuis le début, et qu’il a été bien aise de voir comment les jeunes parlaient du passé, du présent et de l’avenir de la littérature.

— Ils sentent bien quelque chose, mais ils errent lamentablement autour de la formule qu’il faudrait trouver. Le naturalisme est fini ! Qu’est-ce à dire ? Que le mouvement commencé avec Balzac, Flaubert et Goncourt, continué ensuite par Daudet et moi, et d’autres que je ne nomme pas, tire à sa fin ? C’est possible. Nous avons tenu un gros morceau du siècle, nous n’avons pas à nous plaindre ; et nous représentons un moment assez splendide dans l’évolution des idées au dix-neuvième siècle pour ne pas craindre d’envisager l’avenir. Mais pas un ne nous a dit encore, et j’en suis étonné : « Vous avez abusé du fait positif, de la réalité apparente des choses, du document palpable ; de complicité avec la science et la philosophie, vous avez promis aux êtres le bonheur dans la vérité tangible, dans l’anatomie, dans la négation de l’idéal et vous les avez trompés ! Voyez, déjà l’ouvrier regrette presque les jurandes et maudit les machines, l’artiste remonte aux balbutiements de l’art, le poète rêve au moyen âge… Donc, sectaires, vous avez fini, il faut autre chose, et nous, voilà ce que nous faisons ! »

On pourrait à la vérité répondre : Cette impatience est légitime, mais la science marche à pas