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ENQUÊTE

quel philosophe que Dieu est l’homme éternel. Riches de tous les péchés sans doute, assurément de toutes les vertus — d’où l’étrange miséricorde — ils seront reconnaissables, ayant à la fois cet air de revenir de l’enfer qu’avait l’homme de Florence et cet aspect de retourner au firmament qu’avait l’homme de Nazareth. Ne faut-il pas avoir vécu la houleuse adolescence de Raymond Lulle pour prétendre à l’ars magna ? Leur morale sera celle d’Epictète. À l’égard des Aînés dont la barbe est une aile de cygne — Aînés bernables toutefois, le cas échéant — les Magnifiques ne professeront pas l’insulte de ces Savonaroles de cabaret, qui, s’imaginant téter la verte espérance en sablant de l’absinthe, évoquent des bambins qui se croiraient l’àme noircie pour avoir sucé du réglisse. Respectueux encore que prudents héritiers du passé, ils sauront éviter l’ivraie comme glaner l’épi sur l’Himalaya de Hugo, sur les fortifications et la Butte-Montmartre des Goncourt et Zola, sur le Parnasse des honorables Adjoints de M. Lemerre. Je ne dis pas à ces Renaissants : reculez à l’antiquité ! retournez au seizième siècle ! Je leur crie : « Appareillez pour l’Avenir ! » Il est équitable de le déclarer, les poètes sont solidaires. Ils sont plusieurs et ne sont qu’un. Il y a un poète, un seul formé de tous les poètes : il y a le poète ! Celui-ci naquit avec le monde, avec le monde il mourra. Il doit s’avancer, flori du (lambeau toujours plus ardent — et ne pas trop re-