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SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

vers l’univers de Dieu, leur ensealissime Principal. Sur ce point, j’ai dit au Mercure de France, où Tailhade, de Gourmont, Vallette, Aurier écrivent avec une dague ciselée :

« Les poètes, nous sommes des dieux, c’est acquis. Chacun de nous conçoit un monde, d’accord. Néanmoins convenons que notre monde particulier n’est que l’élixir du monde initial, si prestement réintégré aux heures corporelles. Notre original s’étaye de l’originel. Le monde foulé — co-propriété indivise de tous dans la république de la vie — il nous faut le considérer comme l’apprentissage foncier de celui de notre esprit, lequel n’est, à franc dire, que le résultat d’un désir de réaliser mieux, désir servi par la morale de notre personnelle esthétique. La floraison du poète se mesure donc à son génie d’essentiellement comprendre ou d’amender (par un prêt d’intentions foraines) celle de Dieu. »

Ce divinisme paraphrase l’apophtegme de Gœthe : « La vraie poésie s’élève au-dessus du monde sans le perdre de vue. » Désormais, le poète aura le droit de chanter, à son heure du cygne, qu’un univers s’éteint avec la lampe de ses os, et ses disciples devront la coucher dévotieusement dans la tombe et, de même qu’on plaçait jadis une bête de marbre aux pieds d’un mort illustre, placer un globe symbolique aux pieds de l’endormi divin.

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