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ENQUÊTE

siècle où le chef des poètes cavaliers, le corrupteur Marini, était l’objet d’une idolâtrie. Et nous sommes aussi la France du même siècle que le maréchal d’Ancre emmusqua de l’auteur de la Sampogna et des Baci, alors que les Scudéri faisaient s’agenouiller le goût, les Précieuses se coucher l’esprit. De même que Shakespeare sort de Lyly, nos merveilleux Classiques sortent des marinistes et des ruelles.

— Ce que je pense du Pèlerin Passionné ?

— Que ce petit-neveu des Guillaume de Loris, Bertram de Born, Rutebœuf, Jean de Meung recèle quelques perles dans les coquilles de sa cagoule. Le Talleyrand du Symbolisme, notre ami Charles Morice, nous parut excessif, disant de son compaing : « Moréas n’a pas d’idées, il ne lui manque que cela. » Coup d’aile de chérubin, Dieu merci ! Jean Moréas m’apparaît comme la complémentaire de François Coppée. En tant que tempérament artistique, il n’est pas sans m’évoquer, aux heures bizarres, un trombone à coulisse qui dégagerait des sons de fifre.

— L’avenir de la Poésie ?

— Il est aux divins, aux hommes-dieux !… Car l’ère va reflorir des dieux foulant le sol comme au temps rapporté par le frêle Musset. Les poètes sont imminents qui, prenant leur titre à sa primordiale acception, dévoileront leur propre Monde loyalement conçu par eux sans qu’ils se soient anéantis dans une cérébralité exacerbée, n’affichant aucune ingratitude en-