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SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

odieux de contraindre un esprit libre à sacrifier malgré lui. La place m’est heureuse à cueillir cette cordiale maxime de La Bruyère que je recommande à l’Éminence Grise de Gandillot-le-tombeur-de-Shakespeare : « Celui qui n’a égard en écrivant qu’au goût de son siècle, songe plus à sa personne qu’à ses écrits : il faut toujours tendre à la perfection, et alors cette justice qui nous est quelquefois refusée par nos contemporains, la postérité sait nous la rendre. »

Tôt ou tard, la foule qui gémit aujourd’hui dans le capharnaüm de l’onocéphale Convention, s’émancipera vers l’évidente Rédemption.

Sa méfiance actuelle se comprend. À peine sort-elle de l’étude décadente. Et tenez, ce tabide décadisme fut un bienfait de la Providence. Les décadents auront du moins eu la céleste inconscience d’avoir précipité la réaction nécessaire. En d’antérieures époques déjà, ils incubèrent de robustes avènements. Les plus nobles floraisons ne sourdent-elles pas des trappes de la décomposition ? Sont-elles autre chose que d’harmonieux phénomènes émanés de causes vicieuses qui s’amendèrent jusqu’à telle vertu réalisée ? Notre époque est la copie de celle d’Elisabeth. Comme présentement, c’était en Angleterre, l’école déliquescente ; y paradaient l’euphuiste Lyly et le bizarre Donne. De cette poésie quintessenciée jaillit cette fleur dont le parfum nous survivra : Shakespeare. Nous sommes encore l’Italie du dix-septième