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ENQUÊTE

leur poudre-aux-oreilles, firent génufléchir les populaces ravies. Ces grands hommes, je les honore d’un culte filial, convaincu que les Vieux sont notre atavisme, leurs œuvres nos mois de nourrice. Mais leur art fut-il vraiment l’art divin, la Toute-Poésie ?

Nenni !

Opinion si notoire déjà que des chercheurs risquèrent, dans notre siècle d’origine, qu’il pouvait y avoir autre chose. D’aucuns, ces lustres derniers, cogitant partiellement ce que je prétends, vinrent soutenir, qui la poésie c’est le son, qui la poésie c’est la couleur, ainsi de suite. Manifeste progrès. Néanmoins ces apôtres bégayaient encore. Non, la Poésie n’est pas uniment de la musique, uniment de la couleur…

Elle est tout cela, et davantage.

Le poète, braconnant dans les fourrés du Mystère, ne le pipera qu’avec toutes les armes humaines réunies en faisceau. Qu’est-ce que l’être ? Le mariage d’un corps et d’une âme. La compatible entente du ménage réalise la légitime géniture, l’époux et l’épouse ne faisant qu’un — de par l’amour : égoïsme à deux. Le corps est une âme qui se sert d’un corps, a énoncé un philosophe antique. Il faut quérir l’absolu avec l’être intégralement tendu vers toutes les directions. L’artiste se cantonne à tort dans les extrêmes : idéalisme ou positivisme. Est-il trop de deux bras pour étreindre une femme — qui se refuse ? On s’est contenté jusqu’à ce jour d’une opinion d’or ou d’une opi-