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SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

plus enviable. Gardons-nous des faiseurs de règles ; n’acceptons aucune formule ; livrons-nous à nos tempéraments, soyons et restons libres.

La théorie symboliste si abstruse pour moi est cependant, dit-on, claire à quelques-uns. Elle est pour M. Moréas sans mystères ; il sait que symbole veut dire métaphore et s’en contente. C’est un charmant poète, mais qu’il fut singulier de l’ériger en chef d’école ! Il fallait, pour nous jouer ce tour, le formidable aplomb dans la fumisterie qui caractérise M. Anatole France, ce critique à tout jamais déprécié qui, lorsque paraît un livre d’art, disserte la première semaine sur La Fontaine, la seconde sur Boileau, la troisième sur Jeanne d’Arc ; la quatrième insinue, avec sa fausse ingénuité d’inguérissable envieux : « J’aurais aimé… Il est trop tard… », ou bien : « Ce livre soulève de telles questions… » Rien n’est plus abject que l’hypocrisie, en littérature ; rien n’est plus criminel, lorsque le hasard vous a fait dispensateur de réputations, de ne pas se donner sans réserve au service du talent. Ah ! je crois tout de même que si la critique était aux mains d’hommes aussi clairvoyants, aussi francs, d’écrivains aussi passionnés, d’aussi noble caractère que M. Octave Mirbeau, — au lieu d’appartenir aux France, aux Lemaître, à tous les ratés de l’École normale, — Villiers n’aurait pas dû, pour vivre, peiner comme un manœuvre, ni Mallarmé enseigner courageusement l’anglais à des po-