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ENQUÊTE

Flaubert, pour nous ce que fut Flaubert pour la génération naturaliste, qui l’a, d’ailleurs, si mal compris.

Plus tard, avec une littérature très différente et aussi originale, vint Laforgue. Ses Moralités légendaires (imprimées dans un placard et introuvables en librairie) resteront l’un des chefs-d’œuvre de ce temps. S’il eût vécu, aujourd’hui ce serait l’incontesté maître de la jeunesse ; il est notre adoré frère aîné.

La grande influence de Verlaine et de Mallarmé n’est pas très ancienne ; celle de Verlaine s’est naturellement restreinte à l’unique poésie ; M. Mallarmé, par ses poèmes en prose, si spécieusement exquis, par ses causeries d’un charme et d’une profondeur rares, régente un plus grand nombre de cervelles. Après Baudelaire, Mallarmé. C’est un idéaliste presque absolu, mais si bienveillant pour ses adversaires qu’il n’aurait pas suffi à élever, ni même à maintenir contre le naturalisme une digue assez solide pour résister à la violence de son courant d’ordures.

Il fallait un adversaire plus direct que tous ceux que je viens de nommer ; Huysmans, engagé par distraction dans cette équipe, reprit assez promptement conscience de sa valeur personnelle et de sa mission. Après avoir fait du naturalisme supérieur, même en la stricte formule imposée, à celui de M. Zola (voyez les Sœurs Vatard), il se fâcha tout d’un coup, jeta ses frères à l’eau (ils y sont restés) et libéra, en déployant À Rebours, toute une littérature neuve qui