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SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

raconte la suite de ces rêves, ne sera-ce pas, indirectement, ma vie elle-même, intégralement mais transposée dans un monde que j’estime plus beau et plus intéressant que celui où nous nous agitons. J’essaye, en ce moment, cette expérience en un roman sans me dissimuler que le public, de longue date habitué au plat et précis terre-à-terre de la littérature immédiate, sera, sans doute, dérouté parcette tentative. Mais qui sait aussi si quelques-uns ne se réjouiront pas d’être ainsi arrachés à l’ignoble réalité de leur au jour-le-jour ?

— Et les symbolistes ?

— La plupart ont beaucoup de talent. Leur tort est de trop croire à l’importance des révolutions prosodiques. Moréas est un exquis chanteur et j’adore ses vers, même lorsqu’ils deviennent de vrais scolopendres ; Charles Morice est un merveilleux poète très conscient et très épris de son art ; H. de Régnier a écrit des vers admirables, et je sais bien d’autres jeunes moins connus, qui, peut-être, seront célèbres demain : Dubus, Merrill, Retté, S. P. Roux, J. Leclercq, Denise, Brinn’-Gaubast, Samain, mille autres, voyez, dans le Mercure de France, cette brave et vraiment artistique petite revue que dirige avec autorité Alf. Vallette… Et Rémy de Gourmont, cet esprit si rare qui vient de publier, sans qu’on s’en doute, un roman qui est quasiment un chef-d’œuvre.

— Et les psychologues ?