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SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

laisse agir en mon âme aussi librement et aussi naturellement qu’ils agiraient dans l’univers, il se peut que leurs actions contredisent absolument la vérité primitive qui était en moi et dont je les croyais fils ; et cependant je suis sûr qu’ils ont raison contre cette vérité provisoire et contre moi, et que leur contradiction est la fille mystérieuse d’une vérité plus profonde et plus essentielle. Et c’est pourquoi mon devoir est alors de me taire, d’écouter ces messagers d’une vie que je ne comprends pas encore, et de m’incliner humblement devant eux.

À un point de vue plus restreint, il en serait de même des images qui sont les assises en quelque sorte madréporiques sur lesquelles s’élèvent les îles du symbole. Une image peut faire dévier ma pensée ; si cette image est exacte et douée d’une vie organique, elle obéit aux lois de l’Univers bien plus strictement que ma pensée ; et c’est pourquoi je suis convaincu qu’elle aura presque toujours raison contre ma pensée abstraite ; si je l’écoute, c’est l’univers et l’ordre éternel des choses qui pensent à ma place, et j’irai sans fatigue au-delà de moi-même ; si je lui résiste, on peut dire que je me débats contre Dieu…

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Le lendemain était dimanche. Mæterlinck, que ses devoirs appelaient, le matin, aux exercices de la garde civique dont il fait partie, me donna rendez-vous pour midi. Nous fîmes un tour sur la Grande-Place