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ENQUÊTE

— C’est juste, dit Duc-Quercy, mais aussi quelles sont les œuvres qui intéresseront toujours ?

— Celles, continua Maeterlinck, qui auront noté les joies et les douleurs des sentiments éternels : Homère…

— Mais il m’assomme, Homère ! Je m’en fous ! Il ne m’intéresse pas pour un sou…

— Eschyle, Shakespeare…

— Bien, dit Duc. J’admets. Ils vous intéressent encore, parce que notre civilisation n’est pas sensiblement éloignée de la leur ; mais qui vous répond, — à votre tour, — que, dans mille ans, dans dix mille ans si vous voulez (qu’est-ce que cela dans la vie possible du monde ?) qui vous répond qu’on les comprendra encore ? Les sentiments éternels ! Mais il n’y en a pas, ils changent tous, changeront de plus en plus…

— Mais, proteste Maeterlinck : l’amour, la jalousie, la colère…

— Pardon, répondit Duc-Quercy, on a découvert, il n’y a pas si longtemps, une peuplade de Touaregs où la femme était chef de famille, où elle choisissait elle-même ses époux, en nombre illimité… Eh bien ! Qu’est-ce que les époux de ces femmes comprendraient à l’amour de Roméo et à la jalousie d’Othello ? Et qui nous dit que, dans l’avenir, quand les femmes auront le rang qu’elles méritent exactement, quand les jeunes filles réclameront le droit de choisir elles-