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SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

au fond un poète-analyste pénétrant et délicat.

Nous avons eu M. Taine, ensuite, qui nous a jetés jusqu’au col (je l’en remercie !) dans l’esthétique anglaise et les préraphaélites, et qui est responsable, avec Wagner, des songeries dites décadentes, puis symboliques, enfin… de ce qu’il y a d’idées vagues là-dedans.

Je dis :

— Il y a bien un mouvement symboliste ?

— Un mouvement, non : des mouvements sans direction, sans direction commune surtout. Pèlerins sans pèlerinage, et passionnés, oh non ! Personne n’a jamais rencontré deux de ces pèlerins ensemble sur la même route. Du bruit, oui, des fifres qui veulent se faire grosses caisses (je parle des moindres, des plus connus), mais de la passion, un amour, une religion ? Point. Nous sommes de plus en plus des Bouvards isolés, qui cherchons sans la moindre ardeur à trouver.

On l’a dit, et c’est évident, toute littérature est symboliste depuis Eschyle et bien avant lui ; pourquoi plus symbolistes, ceux-ci ? Parce qu’ils mettent le symbole en avant ? Le symbole de quoi ? Les symboles vêtent des entités, des pensées-centre ; quelle est la pensée centrale commune à ces messieurs ? La restitution de vocables du seizième siècle, la longueur plus ou moins grande du vers, le choix (romantique, s’il vous plaît, cela !) de milieux et de tournures du moyen âge, et autres détails, ne sauraient constituer