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SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

— Je vois M. Pasteur qui lorgne des microbes tout en invoquant Dieu.

— Et qui vois-tu encore, ô ma sœur Anne ?

— Je vois des gens qui s’intitulent mystiques. Ils relisent la vie de Rancé et s’achètent une copie artistico-industrielle de la statue de saint François-d’Assise. Ils s’abordent en citant un quatrain de la Vita Nuova et se quittent sur un verset de sainte Thérèse. Ils attestent Memling, Duret, Filippino Lippi ou le divin Botticelli. D’ailleurs ces mystiques sont pour la plupart pochards, ce qui leur permet de se voir doubles et de confondre Gustave Moreau avec Puvis de Chavannes, Félicien Rops avec un artiste.

— Et qui encore, ô ma sœur Anne ?

— Je vois des bouddhistes qui gambillent derrière les jupes de la duchesse de Pomar, fort occupée, ma foi, à mettre le Ramayana à la portée de ces intelligences moyennes. À côté de la duchesse, j’aperçois madame Blavatska flanquée de ses élèves en prestidigitation spiritico-fakiriste. Ils font tourner des tables à rebrousse-poil et se documentent chez MM. Jacolliot, Jules Verne et Camille Flammarion.

— Et puis ?

— Voici en bonnets pointus les adeptes de la Kabbale. Ils étudient Hermès-Trismégiste à travers un rudiment signé de quelque Éliphas-Lévy et tracent des pentacles dans les pissotières. D’autres profèrent