Page:Huret - Enquête sur l’évolution littéraire, 1891.djvu/123

Cette page a été validée par deux contributeurs.
97
SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

aux couleurs imprécises que se hâtent d’arborer tous ceux dont porter une cocarde fait la seule raison d’être ; autant de lanternes magiques non allumées ; autant d’attrape-nigauds où s’engluent les Compréhensifs ; autant de faux-nez, d’énormes faux-nez, longs, longs, longs, tels des proboscides, et qui vont traînant jusque parmi les jambes des badauds et font choir Rod sur le derrière.

Un fait ! Il semble qu’en littérature, en science, en politique et dans la vie, le gros benêt de matérialisme, qui fut le baryton choyé de ces dernières années, se voit peu à peu repoussé de la scène, et jusqu’à la cantonade où se chuchote la prochaine venue du ténor sous l’espèce d’un idéalisme tout pimpant, tout fringant, tout battant neuf, d’un idéalisme dont on augure des merveilles, d’un idéalisme idéal, enfin !

Je crois, en vérité, qu’elle a fait son temps cette manière d’aplatir, d’abêtir une œuvre d’art, au nom d’on ne sait quelles rogneuses théories scientifiques. Il est certain qu’ils puent le rance ces ex-contremaîtres, ces bousingots fossiles, ces ratapoils d’un autre âge qui pointent dans nos yeux leur index laïque et obligatoire tout en nous serinant maints apophthegmes extraits des vulgarisations anglaises que cartonne Germer-Baillière ; ces jobards qui ont trouvé dans Herbert Spencer les scolies prétentieux dont masquer leur crasse ignorance ; ces rabâcheurs d’évo-