Page:Huret - Enquête sur l’évolution littéraire, 1891.djvu/107

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
81
SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

romane qui rejette toute pessimisterie et tout vague à l’âme germanique. Verlaine a fait des vers de 14 et 15 syllabes ; fidèle à son principe, il se rebiffe devant mes vers de 16 et 17 syllabes et plus. Il écrit dans un style charmant, adéquat à ses pensées ; il hésite peut-être devant les archaïsmes et les tournures que mes conceptions supra-lyriques réclament. Tout cela est sans intérêt. Je n’ai que faire de ses férules (encore qu’il n’y prétende pas), car je compte, pour le moment, le subjuguer au profit des Lettres françaises, bien plus que de moi-même !

Nous causâmes encore de différentes choses. Sur l’obscurité qu’on lui reproche, M. Moréas me dit :

— Il y a des gens qui trouvent tout obscur, fors la platitude.

Sur ceux qui disent qu’il pastiche Ronsard :

— Ce sont des imbéciles. Je pastiche Ronsard autant que Victor Hugo pastichait Agrippa d’Aubigné !

Sur les psychologues :

— Je leur sais gré de nous avoir débarrassés des naturalistes ; mais ils sont à côté de l’art véritable. La poésie sait dire sans malice et sans ostentation des choses bien plus profondes et bien plus humaines que toute la psychologie avec ses petits airs entendus. Un poème de Ronsard ou de Hugo c’est de l’art pur ; un roman, fût-il de Stendhal ou de Balzac, c’est de l’art mitigé. J’aime beaucoup nos psychologues ;