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ENQUÊTE

Je pensai alors à faire parler M. Moréas un peu des autres, et je glissai dans la conversation le nom de Verlaine :

— Il y a bien sept ans, dit-il, que je clame le los de Verlaine. En ce temps, il était bien oublié et quelque peu méprisé. Mon sentiment n’a pas varié depuis, malgré telles niches, d’ailleurs sans importance. Mais je me dois à moi-même et à l’idéal poétique qui me sollicite, de dire que l’action immédiate de Verlaine sur le renouveau poétique espéré doit être combattue. Verlaine, malgré sa personnalité qui le différencie, est un parnassien, un parnassien dissident, mais un parnassien quand même. Il clôt, en lui donnant un lustre qu’elle ne méritait pas, une tendance poétique défunte. Il est vrai qu’il a été aussi, par certains côtés, précurseur du mouvement actuel. Mais tout cela est bien fini ; et je pense que son action répercutée serait désormais désastreuse. Il tient trop à Baudelaire, trop à un certain décadisme dont il se réclame, pour qu’il ne soit une entrave à la renaissance poétique que je rêve. Mais l’avenir lui assignera, j’en suis certain, une place très haute parmi les poètes français. Je tiens à constater que c’est le meilleur poète depuis Baudelaire, mais cela ne doit pas nous empêcher de combattre son action éventuelle ; d’ailleurs, il ne saurait avoir d’influence sur le futur, qui ne peut se révéler que dans une renaissance franche et simple, une renaissance