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SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

auquel je me fie qui me révéla le système rythmique définitif de telles de mes pièces, comme Agnès et Galathée.

— Vous avez sans doute aussi, dis-je à M. Moréas, une théorie de l’archaïsme ?

Très simplement, il dit encore :

— Là, c’est mon domaine exclusif. Je suis le seul à réclamer un renouveau de la langue poétique, un retour aux traditions, un style retrempé aux sources de l’idiome roman. Voilà trop longtemps que nous vivons sur le vocabulaire romantique ! Ce vocabulaire parut assez savoureux (il l’était) à l’époque de son (closion. Par malheur, la syntaxe des romantiques fut médiocre : c’est là une grande lacune en fait de style ! Considérez que ce vocabulaire, sans syntaxe rationnelle, tourné et retourné de toute façon, est usé jusqu’à la corde ! Il y a des gens qui se récrient devant l’impossibilité de réintégrer tels mots, tels tours abolis ; laissez-les se récrier ! Consultez La Bruyère et Fénelon ; revoyez l’histoire de la langue ; vous verrez que des mots, des tours, insolites il y a dix ans, défrayent à cette heure « le plus coutumier parler ». Le style dont je désire la restauration donnera une nouvelle vigueur à l’expression poétique.

— Mon on crie à l’extravagance ! dis-je.

— Baour-Lormian criait aussi à la barbarie de Victor Hugo ; mais nous devons à cette barbarie de pouvoir encore prétendre à un style poétique…