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SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

Mon interlocuteur avait ajouté : c’est un vers de Moréas.

Profitant de l’occasion, je demandai à Jean Moréas de m’éclairer un peu là-dessus :


— Oui, je sais, me dit-il. On traite certains de mes vers de prose rythmée. Mais dans les recueils anti-romantiques du temps, on faisait imprimer les alexandrins de Victor Hugo comme si c’était de la prose. C’est l’éternelle histoire. Aujourd’hui on trouve cela très naturel et mes innovations semblent extravagantes…

Il réfléchit un moment et continua, très simplement :

— D’abord je vous dirai que je me pique sans la moindre modestie d’avoir employé dans mes poésies, avec quelque supériorité, tous les mètres connus, et que je tiens à les conserver tous pour m’en servir comme il sied, et quand il sied. Ensuite je vous dirai que je pense avoir ajouté à la poétique réglementaire une nouvelle manière de versifier. Mais cette nouvelle manière n’est pas un accident, elle est la conséquence nécessaire des diverses transformations de l’alexandrin.

L’alexandrin, lequel avec le vers de dix syllabes à césure fixe diffère essentiellement de tous les autres vers français, a commencé par être une sorte de mélopée. Deux vers de douze syllabes constituaient en